Dans notre dernier billet, nous vous avons présenté un homme inuit qui a vécu il y a huit siècles. Durant le processus de rapatriement des restes vers le Nunavut, nous avons découvert des éléments permettant de croire que cet homme avait choisi de raconter sa vie sous la forme de pictogrammes. Nous voulions évidemment en livrer le récit à nos visiteurs, mais il était important pour nous de le faire à partir du point de vue autochtone.
La première étape a consisté à présenter le projet à la communauté moderne d’Arctic Bay, la plus proche du lieu de sépulture. Nous avons demandé à ses membres s’ils nous permettraient, avec leur concours, de raconter l’histoire de cet homme dans la salle de l’Histoire canadienne.
La réponse des membres de la communauté a été très positive, et nous avons pu commencer à travailler en collaboration avec eux afin de donner un sens au projet de narration. Les aînés de la communauté ont donné à l’homme le nom de Nuvumiutaq, ce qui signifie « personne originaire de la péninsule », en référence à son lieu de sépulture. De notre côté, nous avons cru bon de donner un visage à cet homme pour susciter un vif intérêt à son égard, ce que les Inuits ont accepté. Pour fidèlement reconstituer le visage, nous avons suivi les directives détaillées que nous avaient fournies les Inuits, avec photos historiques à l’appui, concernant les cheveux, la peau et l’expression faciale. Pour l’expression du visage, ils avaient insisté sur l’importance de présenter un homme à « l’allure fière, qui contemple le paysage et se rappelle son passé ».
Gardant ces directives à l’esprit, nous avons procédé au balayage au laser du crâne et en avons envoyé une réplique en plastique à l’Atelier Daynès, en France, qui a pu effectuer une reconstitution médicolégale précise du visage en veillant à l’animer de l’expression souhaitée par la communauté inuite. Nous avons opté pour une approche itérative, avec des rétroactions constantes, pour arriver à doter Nuvumiutaq des cheveux, du teint et de l’expression qui convenaient.
Janet Young a fourni des précisions sur la taille, le poids et la musculature, à la fois à la communauté inuite et au portraitiste. Olayuk Kigutikakjuk, une aînée de la communauté, a offert de fabriquer des vêtements traditionnels en peau de phoque. L’ajout d’un bâton de marche sculpté dans un morceau de bois vieilli a été la touche finale. Le résultat a donné lieu à un mannequin très réaliste représentant un Inuit qui a véritablement vécu il y a 800 ans.
L’installation comprend des reproductions des artefacts de Nuvumiutaq, une vidéo portant sur le projet mené en collaboration avec Arctic Bay et sur le processus de reconstruction, et une station interactive permettant d’observer de plus près les pictogrammes qui ornent le perçoir à archet. Nous avons présenté Nuvumiutaq à des membres de la communauté d’Arctic Bay et à la Fiducie du patrimoine inuit lors d’une cérémonie privée, en avril 2017, environ quatre mois avant le dévoilement public.
La collaboration avec Arctic Bay se poursuit. Nous sommes en train de produire une trousse, qui contiendra des documents d’archives sur la recherche archéologique et la reconstitution médicolégale qui ont été menées, que la communauté et son école pourront utiliser à leur gré. Les membres de la communauté d’Arctic Bay ont aussi exprimé leur intérêt à présenter l’histoire de Nuvumiutaq chez eux, et nous avons très hâte de travailler avec eux pour livrer ce récit en son lieu d’origine, en territoire inuit.
Il y a huit siècles, un homme a raconté sa vie sur un perçoir à archet. Nous sommes fiers aujourd’hui de pouvoir transmettre son récit, de concert avec la communauté d’Arctic Bay.