La pandémie de COVID-19 a donné lieu à d’importantes adaptations et innovations, tout en exposant des inégalités de longue date au Canada et dans le monde. Si toute l’humanité vit la même pandémie, chaque personne ne la vit toutefois pas de la même manière.
L’équipe de recherche du Musée canadien de l’histoire s’est efforcée de rassembler de manière sûre et efficace des exemples de l’éventail des expériences vécues au cours de la pandémie au Canada. Le Musée souhaite ajouter à sa collection des objets et autres contenus, tant physiques que numériques, liés à la COVID-19. Ce matériel reflète les diverses voix et expériences de la population canadienne et des Peuples autochtones touchés par différentes mesures — y compris les avis publics, les recommandations provenant de sources officielles, les interventions et les manifestations — ainsi que la transformation des espaces physiques et l’impact de la pandémie sur l’expression culturelle.
Certains des objets recueillis par le Musée sur ces thèmes sont très révélateurs de l’époque. Alors que la population canadienne s’adaptait au travail et à l’école à distance, tout en réduisant ses contacts sociaux et en s’adaptant aux fermetures annoncées, elle a tout de même trouvé moyen de garder contact et d’exprimer son soutien en temps de crise. Pensez, par exemple, aux soirées où les gens tapaient sur des casseroles pour manifester leur soutien aux travailleurs et travailleuses de la santé, aux arcs-en-ciel omniprésents dans les fenêtres ou aux pancartes disant « Ça va bien aller ».
La solidarité exprimée de chez soi
Tanya Krupilnicki et Richard McIlroy, ainsi que leurs enfants Mischa (7 ans) et Naomi (13 ans), ont voulu exprimer leur soutien au personnel de la santé et autres travailleuses et travailleurs essentiels pendant la première vague de confinements liés à la pandémie à Ottawa, qui a commencé en mars 2020. Cette famille a décidé de fabriquer une pancarte qu’elle a plantée sur sa pelouse en signe de solidarité. Comme le dit Tanya Krupilnicki : « C’était une période un peu effrayante, car nous ne connaissions pas encore la létalité du virus. Nous avons eu la chance et le privilège de ne pas avoir à quitter la maison pour travailler et nous voulions simplement que ceux et celles qui devaient quitter la maison pour travailler sachent que nous leur en étions reconnaissants et que nous nous inquiétions à leur sujet. »
Elle note également qu’il s’agissait d’un exutoire important pour ses enfants, car « cela a permis de garder une attitude positive avec nos enfants et d’apporter notre contribution, à petite échelle, de sorte que tout ne soit pas sombre ». Mme Krupilnicki indique que le panneau a suscité de nombreux commentaires positifs de la part du voisinage et de personnes de passage, y compris un travailleur qui faisait un détour pour passer devant la maison tous les jours en se rendant au travail.
La sécurité en milieu de travail
D’autres objets de cette période témoignent de tensions et d’appels au changement. Par exemple, à High River, en Alberta, pendant la première vague de la pandémie, une usine de transformation de la viande de Cargill a connu l’une des plus importantes flambées de COVID19 sur un lieu de travail au pays. Au printemps 2020, près de la moitié des quelque 2 000 personnes travaillant à cette usine — plusieurs étant des travailleurs et des travailleuses migrants ou nouvellement installés au Canada — ont contracté le virus, ainsi que leurs familles. La maladie a entrainé le décès de trois personnes.
Le syndicat représentant l’effectif, United Food and Commercial Workers, section 401, a décrié les conditions de travail et le manque d’équipement de protection individuelle approprié à l’usine. Celle-ci a été temporairement fermée pour éviter toute propagation supplémentaire. Cependant, à sa réouverture, les porte-paroles du syndicat ont fourni à leurs collègues des masques en tissu portant le logo du syndicat en guise de protestation et en vue de rappeler le défi permanent que représente la sécurité au travail.
BLM : l’appel à la justice sociale prend une nouvelle forme
La pandémie a également obligé des mouvements sociaux d’envergure à s’adapter à cette période extraordinaire. Les nouvelles restrictions, les mesures sanitaires et le travail défini comme « essentiel » ont mis en évidence de manière flagrante les inégalités raciales et autres inégalités socioéconomiques. Le mouvement Black Lives Matter au Canada, inspiré en partie par les évènements survenus aux États-Unis, mais canalisant également des perspectives et des expériences typiquement canadiennes, a organisé de nombreuses manifestations un peu partout au pays en 2020, pour attirer l’attention du public sur la discrimination raciale qui a cours dans diverses arènes publiques. Des panneaux et des affiches comme ceux-ci, laissés sur des bâtiments commerciaux, ont pris une nouvelle signification, car les manifestations en personne ont dû s’adapter aux directives de santé publique.
Un appel à mettre fin aux confinements
Enfin, les personnes opposées aux mesures de santé publique ont également trouvé des moyens d’exprimer leur point de vue. Bien que les groupes libertaires, religieux et conservateurs aient critiqué l’obligation vaccinale et d’autres mesures sanitaires ou s’y soient opposés, les règles et restrictions de santé publique imposées pendant la pandémie de COVID-19 ont suscité une réaction d’une minorité très bruyante. Les couvre-feux, les fermetures de magasins, les limites imposées aux rassemblements privés (en particulier en ce qui concerne les services religieux), les restrictions de voyage et le port obligatoire du masque ont été contestés, ainsi que l’obligation vaccinale et même le bien-fondé scientifique et l’efficacité des vaccins.
La COVID-19 continue de façonner le Canada et le monde, comme en témoignent la montée du variant Omicron et l’actualisation des mesures de santé publique (et la résistance active à celles-ci) dans tout le pays. La pandémie actuelle fait écho aux bouleversements sociopolitiques passés concernant des politiques sociales et sanitaires clés, telles que les exigences en matière de vaccination. Elle a également mis en évidence des inégalités socioéconomiques de longue date. À bien des égards, les témoignages de l’époque de la COVID-19 reflètent les réalités personnelles, culturelles, sociales, économiques et politiques de la vie dans le Canada contemporain.