Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir spécialiste de l’histoire militaire?
Quand j’étais plus jeune, mon grand-père me parlait parfois de son frère mort au combat à l’âge de 20 ans. Même un demi-siècle plus tard, je pouvais voir la douleur dans ses yeux. Je voulais comprendre ce que signifiait vraiment « la guerre » et, surtout, son impact sur les familles.
Quel est votre rôle en tant qu’historienne, Guerre et société, au Musée de la guerre?
Ma passion est de reconstruire et de faire connaitre des histoires d’individus et de groupes qui ont souvent été négligés par l’histoire. Je fais de mon mieux pour inclure les voix et les points de vue des femmes et des familles en temps de guerre, ainsi que ceux des peuples autochtones, des minorités ethniques et de nombreux autres groupes oubliés dans l’histoire militaire traditionnelle.
Comment en êtes-vous venue à travailler sur la prochaine exposition sur les libertés civiles, qui sera présentée au Musée canadien de l’histoire?
En 2018, j’ai été honorée lorsque le directeur de la recherche du Musée canadien de l’histoire m’a invitée à me joindre au projet, ce qui m’a semblé très opportun. M. Xavier Gélinas, Ph. D., et moi-même sommes les deux responsables de l’exposition. Celle-ci explorera trois périodes de l’histoire récente du Canada, soit de 1914 à 1970, lors desquelles les libertés civiles ont été restreintes, voire suspendues, en raison de la guerre ou d’une crise.
Y a-t-il quelque chose que vous avez appris au cours de ce projet qui profitera à votre recherche sur la guerre et la société?
Certainement! En particulier, le fait que les principes qui nous sont si chers en tant que citoyennes et citoyens d’une société démocratique sont souvent mis à rude épreuve en temps de crise. Je trouve particulièrement intéressant de constater à quel point les craintes réelles ou perçues, les préjugés, l’information incomplète et la pression publique peuvent bouleverser le fragile équilibre entre les libertés civiles et la sécurité nationale. C’est un sujet important qui mérite une réflexion sérieuse.
Y a-t-il un artéfact dans l’exposition qui a une signification particulière pour vous?
J’ai trouvé l’œuvre A Measured Act (Un acte mesuré), de l’artiste canadien d’origine japonaise Norman Takeuchi, particulièrement émouvante. Composée de cinq kimonos et de six dessins, l’œuvre illustre les expériences de plus de 22 000 Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise, dont Takeuchi et sa famille, qui ont vécu un relogement forcé dans des communautés isolées et des camps d’internement pendant la Seconde Guerre mondiale. Créée en 2006, l’œuvre reflète également le traumatisme durable de ces évènements, un héritage qui s’est prolongé bien au-delà de 1945.