L’allure unique d’une personnalité artistique influe grandement sur la façon dont on se souvient de sa musique. Parlez-en à Mitsou : avant de conquérir le monde avec son succès planétaire « Bye bye, mon cowboy », elle était une adolescente montréalaise talentueuse, avec un style emblématique tiré de son propre placard et porté sur la scène mondiale.
Mitsou témoigne de son expérience dans Artéfactualité, une série de balados qui imaginent un musée du futur entièrement constitué des histoires que nous nous racontons. Dans cet épisode nous nous entretenons avec Mitsou à propos de ses premiers costumes, des hauts et des bas de sa carrière musicale, et de la façon dont RuPaul lui a appris à mettre de côté son attirail et à être simplement elle-même. Le statut de chanteuse populaire de grande renommée est peut-être ce qui a marqué les débuts de la carrière Mitsou, mais l’avenir lui réservait de nombreux autres accomplissements.
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(Photo : Eric CATARINA/Gamma-Rapho via Getty Images)
La tenue assemblée par Mitsou pour « Bye bye mon cowboy »
En 1988, Mitsou Gélinas, alors âgée de 17 ans, a trouvé dans son propre placard la tenue qu’elle allait porter dans le vidéoclip de son premier simple, « Bye bye mon cowboy ». Elle a pris une veste noire courte, un bustier noir et une minijupe noire. Pour les chaussures, elle a emprunté à sa mère une paire de bottes à hauteur de genou datant des années 1960. Le seul article qu’elle a acheté est le chapeau de style boléro noir, trouvé chez Henri Henri, une boutique située sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal.
Le succès de ce vidéoclip, filmé en super 8 pour la modique somme de 1 800 $, a fait de Mitsou une vedette mondiale. Quant à sa tenue emblématique, qu’elle a elle-même assemblée, celle-ci est devenue à jamais liée à la chanson pop enjouée. « Bye bye mon cowboy » a également atteint le sommet du classement anglophone au Canada, un rare exploit pour une chanson francophone.
Il n’est pas surprenant que Mitsou ait pu trouver une grande partie de ce costume dans son propre placard, compte tenu de l’histoire de sa famille dans le domaine des arts du spectacle. Son grand-père Gratien Gélinas était un dramaturge et un acteur considéré comme un pionnier du théâtre québécois. Son père, Alain Gélinas, était un acteur et un comédien de renom. Sa mère, Yuki-Solange Rioux, ancienne danseuse de cabaret, a également été agente d’artistes.
Mitsou a déclaré qu’elle avait choisi une carrière dans la musique, parce qu’elle estimait que ce domaine offrait un plus grand contrôle créatif par rapport au théâtre. Elle avait également une vision claire de l’apparence et du style de musique qu’elle souhaitait créer. Comme d’autres vedettes québécoises de sa génération, elle s’est appuyée sur la renaissance culturelle de l’époque de ses parents. En contrôle sur le plan créatif, elle est devenue l’architecte de sa propre image.
Le style Mont-Royal de l’album El Mundo
Adolescente, alors qu’elle travaillait au magasin de vêtements Le Château, Mitsou a noué une amitié cruciale avec Andy Thê-Anh. À l’époque, Andy était un jeune étudiant en mode du Collège La Salle. Plus tard, il est devenu chef styliste pour des détaillants canadiens, tels que Laura et Reitman’s. Ensemble, Mitsou et Andy ont créé la minirobe que porte Mitsou sur la couverture de son album El Mundo à partir de tissus et d’accessoires trouvés dans des magasins de la rue Mont-Royal.
(MCH 2021.81.7).
En 1990, Mitsou a sorti un deuxième album intitulé Terre des hommes. La vidéo osée du deuxième simple de l’album, « Dis-moi, dis-moi », a mis Mitsou sous les projecteurs une fois de plus. La vidéo se déroule dans un bain public et met en scène Mitsou aux côtés de mannequins et mannequines pour la plupart sans vêtements. Elle visait à présenter le corps humain comme une œuvre d’art.
La vidéo a été bannie des réseaux MuchMusic et MTV, mais a connu un énorme succès sur MusiquePlus, au Québec. Elle a été très populaire à travers la province, exposant les différences culturelles entre le Canada français et le Canada anglais. Plus tard, lors d’une discussion en groupe dans les studios de MuchMusic, Mitsou a défendu le contenu de la vidéo et ses mérites artistiques.
Une rencontre avec RuPaul
La publicité générée par « Dis-moi, dis-moi » a permis à Mitsou de se faire remarquer aux États-Unis par la toute nouvelle maison de disques Hollywood Records. Le producteur, Jimmy Harry, l’a même mise en contact avec RuPaul, qui a donné à Mitsou la chanson « Everybody Say Love ». Mitsou a été surprise de voir RuPaul se présenter à la séance d’enregistrement en jeans, en teeshirt et en casquette de baseball. Cette rencontre lui a appris que, dans la vie de tous les jours et en dehors de la scène, elle n’avait pas à être définie par ses costumes et son personnage de scène.
« J’étais connue pour mes costumes et mon extravagance. Lorsque j’ai vu RuPaul arriver habillé de façon si simple, j’ai pensé : “Oh, je peux… je peux faire ça? Oui, peut-être que je pourrais.” Cet évènement a en quelque sorte changé la façon dont j’abordais tous les costumes et le mélange entre ma vie publique et ma vie privée. » – Mitsou Gélinas
De chanteuse populaire à entrepreneuse
Alors que Mitsou travaillait sur son prochain album, l’industrie musicale était en plein changement. Les chansons « Bye bye mon cowboy » et « Dis-moi, dis-moi » étaient sorties au bon moment, mais aussi juste à temps. En 1993, le grunge et le rock alternatif sont devenus des genres dominants. Les artistes comme Mitsou n’étaient plus la priorité des maisons de disques, qui étaient occupées à courir après le prochain groupe Nirvana. Au moment de lancer le nouvel album de Mitsou, le budget de commercialisation et de promotion était insuffisant, et son album a été mis de côté.
Au milieu des années 1990, sa carrière de chanteuse étant en déclin, Mitsou a commencé à se redéfinir autrement que comme une simple vedette pop. Après avoir œuvré longtemps comme personnalité radiophonique, télévisuelle et cinématique, elle a créé, en collaboration avec son mari Iohann Martin, l’entreprise Dazmo, qui produit de la musique pour de la publicité, la télévision et le cinéma. Mitsou a également lancé son propre magazine et, fin 2021, elle a été invitée comme juge à l’émission Canada’s Drag Race, ce qui lui a permis de boucler la boucle avec RuPaul.
Photo : Dominic Lachance.
En tant que vedette pop franco-canadienne qui a percé les marchés anglo-canadien et américain, l’histoire de Mitsou nous montre pourquoi la musique populaire fait partie intégrante de la collection du Musée canadien de l’histoire. Les costumes qu’elle a portés sur scène et dans ses vidéos sont un aspect important de son émergence dans la conscience publique en tant que chanteuse pop aguichante qui aime s’amuser.
Ironiquement, même si le personnage que cultivait Mitsou à travers ses costumes l’empêchait parfois d’être prise au sérieux, il a néanmoins été un tremplin essentiel pour l’amener à devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Son passage de vedette pop à entrepreneuse nous montre qu’une femme peut être à la fois enjouée, sexy et prise au sérieux.
Renseignements supplémentaires
- En coulisses… avec Mitsou Gélinas!
- MusiquePlus. « Spécial – Le Monde Selon Mitsou – Rétrospective 1988-1997 ». Consulté sur YouTube, le 3 décembre 2020.
- Objets de Mitsou dans les collections du Musée
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